Volatilité de la demande, perturbation des chaînes d’approvisionnement, augmentation des prix, réduction des volumes d’achat, les challenges sont nombreux pour les acteurs de la chaîne produit. Tous recherchent le modèle idéal, à la fois flexible, rapide, responsable et orienté client.
La moitié des directeurs achats de 38 entreprises de mode européennes et américaines déclarent avoir entrepris des projets de transformation importants de l’organisation de leur supply chain en 2021 (Etude McKinsey de novembre 2021 sur le sourcing des entreprises de mode). Et cela ne concerne pas que le sourcing à proprement parler, mais bien toute la chaîne de développement et d’approvisionnement du produit, de la création à la production, en passant par le développement et le marketing.
Repenser l’organisation pour compenser la dégradation des marges
La pression sur les prix va se poursuivre en 2022, les évènements en Ukraine vont sans doute aggraver la situation.
Les marques, de plus en plus nombreuses à intégrer des matières durables et responsables dans leurs collections, flexibilisent progressivement leur sourcing en relocalisant des productions en Europe et en France. Tout ceci a un coût évident.
Il n’est pas acceptable aujourd’hui de répercuter la totalité des augmentations des prix d’achat sur le prix de vente consommateur. Quelles sont alors les solutions pour éviter une dégradation des marges ?
La première étape consiste à gérer plus finement les stocks et la démarque, en augmentant par exemple la part des ventes de produits non démarqués.
Mais cela n’est pas suffisant, il est nécessaire de repenser l’organisation tout au long de la chaîne produit afin de la rendre plus flexible et réactive. L’objectif principal est d’éviter les pertes de temps et les retards au planning, les rendez-manqués avec le produit « idéal », les produits développés et abandonnés, en un mot, améliorer l’efficacité de l’organisation.
Préciser les rôles et responsabilité de chacun
Les équipes produit travaillent encore beaucoup trop en silo, chacune dans sa spécialité, sans tenir compte des contraintes et des limites des autres intervenants sur le produit. Par exemple un produit mis au point au Studio, envoyé au fournisseur pour une cotation sera abandonné car trop cher. Le temps manque pour proposer une alternative ou une conception différente pour réduire la consommation de matière. Une consultation anticipée du fournisseur aurait permis d’éviter cet écueil et d’aller jusqu’au bout de l’idée créative à un coût acceptable pour la marque.
Je constate bien souvent, que cela se combine avec une vision floue de la responsabilité des uns et des autres et quand un problème se présente, personne n’intervient (ou trop tard), pensant que cela relève de la responsabilité du voisin.
Tout l’enjeu est de clarifier les rôles et responsabilités de chacun pour fluidifier les processus, intégrer des espaces collaboratifs dès la création du produit et tout au long de son développement, avec toutes les parties, y compris les fournisseurs. L’objectif étant de trouver la meilleure solution créative, qui réponde aux attentes du client final à un prix et un délai acceptable.
Respect et efficacité des plannings
La recherche de flexibilité entraine une complexité plus grande dans le management de la chaîne produit : analyses de la demande et des datas plus poussées et inputs vers la création, validation d’échantillons à distance, mutualisation des matières, pre-booking, mais aussi hybridation des modes de sourcing, fractionnement des commandes, réassorts en cours de saison…la liste est longue.
Tout cela nécessite de mettre en place une forte discipline de gestion de planning en interne et avec les fournisseurs, de définir des calendriers plus détaillés et de travailler sur les chemins critiques afin de réduire les lead times.
La digitalisation de la chaîne produit côté marques, mais aussi côté fournisseurs, va permettre progressivement de maîtriser la complexité de toutes ces données.
Sortir d’une logique de marge d’entrée.
Enfin, les marques continuent à porter plus de crédit au prix d’achat et la marge d’entrée par produit qu’à la marge nette globale.
Cela veut dire que les politiques visant apporter flexibilité et rapidité en relocalisant la production ou en fractionnant les commandes se heurtent inévitablement à l’accroissement des coûts. Tout cela empêche de mettre en place sereinement une organisation pilotée par la demande.
Les stratégies de sourcing doivent intégrer dans leur mix l’ensemble des coûts liés à l’achat d’un produit comme la part de vente hors démarque et le coût du stock résiduel. La solution de production à la demande Tekyn ou le démonstrateur On Demand for Good du CETI, proposent chacun une méthode de calcul pour simuler le gain de marge final, car c’est bien d’un gain dont on parle ici !
Cela peut aussi passer par le mode de calcul de la prime sur objectifs des acheteurs et chefs de produit qui pourra prendre en compte la marge finale, le stock résiduel et la rotation de stock, comme ce que nous pratiquions chez 1.2.3 il y a plus de 20 ans !
Les freins au changement sont nombreux et l’impulsion ne peut que venir de la direction générale de l’entreprise pour accompagner les équipes dans ces changements.
L’industrie de la mode a mis du temps avant de se préoccuper des « backstages de la mode ». Les investissements se sont concentrés sur la création, le produit, l’image et la communication. Cette crise et les profonds bouleversements de marché nous montrent qu’il est temps de se préoccuper de la chaîne de développement des produits et de l’organisation de tous les métiers qui y sont rattachés (création, développement, marketing-merchandising, achat, sourcing, qualité et production) en créant des espaces collaboratifs de décision, en partageant une vision de la marge globale et pilotant plus finement les plannings.